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Contribue, toi aussi, à l’obsolescence programmée

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Si vous prenez la peine de lire ce billet, vous comprendrez assez vite toute l’ironie de mon choix de titre. À l’origine de cette idée de sujet, les nombreuses sollicitations de conseils reçues ces derniers mois à propos de la réalité virtuelle.
Le temps passe, les technologies évoluent mais les erreurs restent les mêmes: on part de la techno pour aller vers l’expérience; pire, on fait parfois de la technologie pour la technologie. Résultat des courses ? De l’argent, public ou privé, jeté par les fenêtres et une grosse impression d’avoir bossé dur pour rien de bien séduisant à l’arrivée.
Un peu comme si on programmait nous-même l’obsolescence, voire pire, l’échec, de nos initiatives techno-délirantes, qui avaient pourtant l’air si chouettes sur papier… On continue comme ça ou on se réveille ?

Le César est attribué à…

Je ne sais pas comment vous avez géré le truc en France mais du côté wallon, il y a six ou sept ans, tout le monde y est allé de sa collection de QR codes, ces trucs “géniaux, ultra-faciles d’utilisation et sur lesquels nos mobinautes hyperconnectés allaient se ruer”. En quelques mois, la Wallonie est ainsi devenue un grand parc d’attraction thématique: QR-CodeLand.

Aujourd’hui tous les territoires voudraient oublier l’argent et l’énergie investis dans ce déploiement à grande échelle de ce qui n’a jamais été qu’un échec retentissant: car non, personne ne s’est rué sur ces QR-codes et notre internaute/mobinaute fainéant a vite compris que ces hiéroglyphes du 21è siècle lui faisaient perdre plus de temps qu’autre chose.
Pour comprendre les raisons, pourtant évidentes, de cet échec, je vous renvoie à cet excellent article (en anglais) de Stanley Tan: The One Reason Why QR Codes Failed . Sa réponse: because it sucked. Je vous laisse le soin de traduire. Bref, les QR-codes reçoivent le César du développement foireux à grande échelle.

Et si on en remettait une couche ?

Je vous le disais en introduction, ces derniers temps, beaucoup de destinations ou de structures touristiques (parcs naturels, musées, châteaux,…) me demandent plus ou moins: “ce serait bien pour nous la réalité virtuelle ?”. La question est posée moins naïvement (quoique…) mais je ne vais pas entrer dans les détails car là n’est pas le cœur du problème. En effet, si ces personnes viennent me voir c’est le plus souvent parce que parmi les décideurs dont elles dépendent, il y en a eu un ou deux qui ont vaguement entendu parler de VR dans un salon ou lors d’une conférence de 15 minutes et qui sont depuis lors intimement con(-)vaincus que c’est la technologie miracle qui va donner au village de Tombay-sur-Lecuq la notoriété de Dubaï.

Évidemment, les pros du tourisme ont de gros doutes (les vrais pros, ceux du terrain, pas les gentils élus) et ils viennent surtout me voir pour obtenir des arguments pour expliquer diplomatiquement à monsieur le vice-président du C.A. que ce n’est peut-être pas la meilleure idée du monde. Car une fois encore dans ce cas, on est sur le point de commettre l’erreur tragique de partir de la technologie pour créer l’expérience (foireuse au demeurant, la plupart du temps, quand on s’y prend de la sorte).

Le parallèle entre les chiens et la technologie

Il faut bien sûr suivre les innovations technologiques de près et ne pas prendre de retard mais il ne faut pas non plus oublier à quel point une technologie peut rapidement être dépassée. À l’instar du chien, dont on dit par anthropomorphisme, que pour connaître son âge “humain”, il faut le multiplier par 7, vous pouvez appliquer le même facteur multiplicateur à une technologie: ce super gadget qui a épaté votre vice-président lors de ce salon en juin dernier a déjà pris un sérieux coup de vieux: vous ne trouverez plus de journaliste qui se déplacera pour “ça” en février prochain et vos visiteurs auront déjà testé le “truc” en de nombreux endroits…

Ce qui importe, ce n’est pas la technologie mais bien le scénario expérientiel que vous voulez faire vivre à vos visiteurs.

Bref, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit: la réalité virtuelle peut être pertinente mais à condition de permettre à l’utilisateur de vivre une expérience particulière et bien scénarisée (je vous renvoie à l’effet Waouh dans mon billet précédent).

Ma meilleure expérience avec “un peu de techno dedans”

Vous voulez réussir votre projet innovant, voici mes conseils: lâchez prise, soyez créatifs et imaginez une expérience magique et audacieuse pour vos visiteurs. Une fois votre scénario ficelé, les technologies, peut-être même pas très nouvelles, les plus adéquates pour le soutenir apparaîtront comme des évidences. Et ça, ce sera le job des prestataires techniques; le vôtre c’est d’être créatifs. Au final, ce sera peut être de la réalité virtuelle ou peut-être tout simplement un jeu de sons et de lumières qui aurait déjà été possible techniquement il y a vingt ans de cela: ce n’est pas la techno qui déclenche le “waouh” mais bien le déluge d’émotions et la qualité du scénario !
À ce titre, je garde un souvenir exceptionnel d’une réelle expérience vécue au Québec, au Parc de la Gorge de Coaticook, grâce à Foresta Lumina, un parcours nocturne illuminé qui transcende la notion de balade dans un parc naturel. La technologie est bien présente (et les émotions, je vous le garantis, sont au rendez-vous; la magie opère !) mais elle est parfois simplissime: projections et jeux d’éclairages. À d’autres moments, elle est effectivement plus complexe mais toujours au service d’un scénario, d’une histoire bien établie, réfléchie, point de départ de ce projet pour son maître d’œuvre, la société Moment Factory. La vidéo ci-dessous fait 22 minutes et vous expliquera les détails de cet ambitieux développement. Si c’est trop long pour vous, Youtube regorge de videos plus courtes concernant Foresta Lumina.

Bon courage dans vos projets et bonne route ! Mais surtout, ne mettez pas la charrue technologique avant les bœufs de la créativité !

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